Evangile selon André


Réflexion théologique 
(pour tous et pour personne)


INTRODUCTION


On peut encore trouver, en cherchant bien, dans l'un des très nombreux ouvrages consacrés à Jésus de Nazareth, une opinion fort étrange, et pour ainsi dire assez extravagante, selon laquelle quelque théologien ancien, et donc probablement aujourd'hui disparu, avait affirmé que Jean-le Baptiste était le Christ. Or, c'est hélas chose triste mais fréquente chez les hommes de condamner les idées des autres hommes avant même de les entendre correctement; et la pression des idées admises, la force des préjugés enracinés faisant partout autorité, il était nécessaire qu'une allégation aussi brutale que celle-ci se détruise d'elle-même. 

Pourtant, à y regarder de près, cette curieuse hypothèse était éminemment troublante en cela qu'elle devait bien avoir un sens; car pourquoi un homme apparemment sain d'esprit soutiendrait-il, sans raison valable, une telle affirmation, sous la seule promesse de bien amères accusations d'extravagance et de fatuité? Par ailleurs, cette idée n'est absolument pas neuve puisqu'il apparait que les Chrétiens de Saint-Jean, encore appelés mandéens, ne croyaient pas en le Jésus des Evangiles, mais honoraient Saint Jean-Baptiste. En outre, les cathares vénéraient Saint Jean l'Apotre et refusaient les trois autres Evangiles, ainsi que les doctrines pauliniennes.

Pour mieux comprendre, il est un fait historique que nous soulignerons: pas une fois dans les écrits de Suétone, Josèphe, Tacite ou autres historiens, n'apparaît le nom de Jésus, alors qu'apparaît souvent celui de Jean-Baptiste. Or, il est impensable que des historiens de la valeur de Flavius Josèphe aient pu omettre de parler du Christ; car il est certain que le Christ est venu et que sa doctrine a fait grand bruit.

Que s'est-il donc passé?

La réponse s'impose d'elle-même: ils en ont parlé, mais l'on n'a point vu que ce fut de lui qu'ils avaient parlé; ou on les a celés à dessein, tel Tacite, dont tous les travaux portant sur la période allant de 28 à 34, soit celle des origines du Christianisme, période cruciale s'il en est, ont tout bonnement disparu de l'histoire. 

Pour être exact en tout, il est utile de rappeler ici que, en grec, Jean le Baptiste, c'est IohannecpébaptisteC (ou IC); soit, si l'on admet que Jean était le Christ, du grec écrit au grec prononcé: Issous-Christos. Cela nous permet d'expliquer pourquoi Zacharie, père de Jean, s'exclame à propos de son fils : " Béni soit le Seigneur, de ce qu'il a visité Son peuple en suscitant un Puissant Sauveur dans la maison de Son serviteur David " (Luc 1: 68-69). Encore que des versions telles Darby ou celle des Témoins de Jéhovah, complètement déboussolées par l'enjeu du terme aient insidieusement remplacé "Puissant Sauveur" par "une corne de salut".

A ce stade, comment peut-on encore douter?

Comment ne comprend-on pas encore?

C'est que, dans l'esprit de l'occidental, et au travers des siècles, l'Evangile est resté synonyme de vérité. L'abbé H. Lesêtre écrivait:" Les Evangiles ne peuvent contenir d'erreur, et ils sont en toute vérité la parole même de Dieu. Ce sont des textes dont l'autorité est absolument indiscutable".

Pourtant, et il n'y a qu'à consulter les excellents travaux d'Emile Gillabert: " Evangile selon Thomas, Jésus et la gnose " ou les non moins intéressants travaux de Robert Ambelain: " Jésus ou le mortel secret des Templiers" pour en avoir la plus parfaite certitude; on sait maintenant que les Evangiles canoniques, donc officiels, sont l'aboutissement de rédactions successives au cours desquelles le message primitif a été altéré par des ajouts, des interpolations, des omissions et des commentaires orientés.

C'est à l'évidence très tôt que le message du Christ a été défiguré, conformément à la prophétie d'Esaïe (Esaie 52:14), pour être progressivement récupéré par les prêtres païens, en vue d'une catéchèse névrotisante axée sur d'aliénantes doctrines d'inspiration Paulinienne avec comme corollaire la dégradation de la vraie foi par la mise en place d'une doctrine abstraite coupée de la réalité psychologique.

Mais que pouvaient faire les prêtres païens? Recevoir l'Evangile dans sa pureté originelle? C'eut été le reconnaître, et ils le haïssaient. Ils décident donc de le défigurer, lui donnant là, contre eux-mêmes et par eux-mêmes, la dernière marque qu'il était bien le Messie et qu'il n'en viendrait plus d'autre. En vérité, ce que redoutaient les prêtres païens, puis plus tard leurs successeurs en l'Eglise de Pierre, ce n'est point tant l'athéisme formel, les nationalismes exacerbés, l'abomination nazie, le socialisme militant ou le stalinisme triomphant; mais une vie humaine libre, heureuse, épanouie et adulte; fondée non sur la peur, mais sur la confiance en soi et la sensibilité retrouvée d'un être affirmant vraiment son caractère unique et indépendant...

Bref, l'état où l'on n'eut plus besoin d'eux.

Eugen Drewermann nous l'a montré dans son étude de la fonction cléricale: cultiver la laideur, déifier la souffrance, effacer le beau, honnir l'épanoui, mortifier l'espérance; en fait, mettre Dieu en croix, voilà la névrose virtuelle de l'Église de Pierre et de ses vingt siècles d'existence.

Comment un tel voile a-t-il pu subsister deux millénaires? Comment surtout ne pas y voir la réalisation prophétique d'un Christ deux jours dans un tombeau? Pourtant les temps changent, les mentalités évoluent; aujourd'hui la chrétienté s'essouffle et s'interroge; les églises et les salles évangéliques se désertifient au profit des grands stades et des grands rassemblements culturels. Disons-le tout net : l'Eglise de Pierre, ce colosse aux pieds d'argile deux fois millénaire, chancelle sur sa base.

Bien sûr, retrouver mot pour mot le texte Q (de l'allemand Quell=Source), c'est à dire le texte du premier et véritable Evangile, celui dont des générations d'exégètes ont affirmé l'existence, c'était évidemment impossible. Mais non d'en retrouver les principales caractéristiques, d'en ressortir l'essence, d'en proposer une approche acceptable. Il fallait d'abord, à partir des Evangiles canoniques ou supposés tels, examiner attentivement chaque écrit et voir si, au moins l'un d'entre eux pouvait être éliminé d'emblée, et faciliter ainsi les recherches sur les autres. L'Evangile selon Matthieu était pour Blaise Pascal un faux manifeste. On n'y retrouve rien de très important qui ne soit déjà en Luc ou Jean, sinon des futilités, des parcelles de religiosité invraisemblables et des anachronismes. Son authenticité est donc extrêmement douteuse. Par ailleurs, c'est manifestement, d'un point de vue littéraire, le plus tardif des Evangiles canoniques, et non le premier, comme certains l'affirment très grossièrement.

Il en est de même pour l'Evangile selon Marc, l'Evangile le plus court, et surtout le plus pauvre littérairement. Nous ne discuterons pas et demandons plutôt au lecteur d'ouvrir les yeux avec impartialité et de relire ces deux Evangiles selon notre approche, et les choses en deviendront plus claires et évidentes.

En ce qui concerne les Evangiles selon Luc et selon Jean, force est de noter des passages trop hauts, des données historiques trop précises, une apologie de l'amour trop introspective, des détails humains trop acérés, pour qu'on puisse en nier le caractère original, du moins en leurs grandes parties. L'Evangile selon Thomas, plus fraîchement sorti du sol de Nag-Hammadi, en Haute Egypte, et écrit en grec copte, n'est guère douteux. C'est un recueil des dits du Christ, et non un Evangile au sens propre; mais il nous fut grandement utile. Il est édité chez DERVY-LIVRES, et si, d'après nous, ses auteurs ne nous ont pas payés en impeccable monnaie, c'est déjà un bien beau service qu'ils nous ont rendu d'avoir su montrer où se trouvait la fausse.

Ainsi ces trois Evangiles repérés et ôtés de l'ombre que leur portaient les deux autres, il devenait plus facile d'en retrouver la substance même et de proposer un texte nouveau.

Ce texte est celui que le lecteur va pouvoir consulter ici. Nous ne prétendons pas que ce document soit parfait, encore moins qu'il faille le considérer comme canonique, ou authentique, en quelque façon que ce soit.

Simplement nous aimerions, dans ce monde de conflits et de haines, où les grands rêves sont morts et où le courage fait tant défaut, faire entendre aux hommes de bonne volonté un autre son de cloche.
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_________________________________________________________________Richard Hachel.
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